Samedi matin, le soleil était radieux et je n’avais envie de rien faire ; le froid et la tristesse m’avaient pénétrée, quand soudain, je décidai d’aller faire un tour à la foire du livre.
Anne-Marie
Ghislaine enchaîne :
Je secouai mentalement ma tristesse et me promis de commencer par repérer là-bas les livres optimistes, gais ou comiques. Il me vint à l’esprit que par ce froid, il convenait de me changer et d’enfiler un pantalon. Un court moment, l’envie me prit de renoncer à mon projet, mais comme je lisais souvent, l’idée garda suffisamment de son attrait pour que je monte à l’étage et en fin de compte me pimponne, pull assorti et boucles d’oreilles en pendentifs ponctuant ma marche de mouvements gracieux. Irais-je au train ou en voiture ?
J’optai pour la voiture car l’heure de pointe était passée. Ce serait plus rapide et plus pratique.
Je ne m’attendais certes pas à cet immense parking qui me demanda beaucoup d’énergie et quelques douleurs pour le traverser. Cela commençait bien ! Que serait-ce dans les rayons de livres de cet emplacement gigantesque ?
Exhibant timidement mon entrée gratuite, je m’avançai dans l’allée principale. Au premier arrêt m’attendaient les polars, thrillers, la science fiction et les récits fantastiques. Pas vraiment ma tasse de thé !
Je repérai un petit banc et m’assis quelque temps pour récupérer physiquement. J’observais le manège des gens déambulant sans même s’arrêter, d’autres marquaient une halte devant un roman sans oser le saisir, certains le retournaient pour prendre directement connaissance du quatrième de couverture.
Je me remis en route, repérant à mi-distance une grande quantité de chaises manifestement destinées à l’écoute de conférences, lieu de mon prochain arrêt.
Comme d’habitude, la bande dessinée se taillait la part du lion ! Je fouinai deci delà parmi les livres luxueusement illustrés, sachant d’avance que je n’en acquerrais aucun. Leur prix prohibitif m’en dissuadait.
Mon attention fut attirée parmi le public sur un homme d’un certain âge dont l’attitude m’intriguait. Il avait un grand étui en cuir dans lequel il semblait prendre des notes, allant et venant autour du même rayon, quand soudain je le vis glisser dans la poche intérieure de sa veste un livre convoité.
Me voilà donc témoin d’un vol ! Car l’individu, loin de se diriger vers la caisse, prenant par saccades des annotations de plus en plus clairsemées dans son écritoire de cuir.
Arrivée à la sortie, l’ayant suivi, je le vis ouvrir la large pochette format A quatre, en souriant au contrôleur. Il franchit le pas décisif sans avoir payé.
Un dilemme surgit dans mon esprit : aurais-je dû le signaler ? Mon naturel ne me portait pas à la délation et je n’étais pas préposée à la surveillance ! Aurais-je dû lui demander : « N’avez-vous pas oublié de payer votre livre ? » ; sans pouvoir augurer de sa réaction ? Ce vol me révoltait, mais voilà, je n’avais pas pipé mot !
Comment auriez-vous agi à ma place ?
Le 11 mars – Partage d’écriture (Vie féminine)
© Ghislaine Renard